livreeau

Sandra prépare les championnats du monde de natation. L’eau, cet élément naturel dans lequel, elle arrive à être heureuse et à oublier son récent veuvage va très vite devenir son ennemie et ceci depuis sa rencontre avec Vincent, un homme charmant et drôle qui ne la laisse pas indifférente.
Une goutte d’eau se mire au soleil sur le dos d’une longue feuille. La fenêtre, le petit guéridon et le vert tendre se reflètent sur sa robe cristalline. Juste à côté, l’eau coule d’un robinet, enveloppe comme un gant des mains de femmes longues et musclées. Alexandra joue avec la mousse oxygénée qui lui chatouille la peau. Un tourbillon se forme autour de la bonde, plonge vers l’abîme dans un glougloutement de gorge sauvage. La jeune femme s’essuie les mains, ouvre la fenêtre qui donne sur une vaste étendue d’herbes drues. La goutte se fait ronde, frémit sous le vent léger. Un insecte tombe du ciel, flocon de neige qui vient se poser sur le rebord. Les doux voilages des rideaux sont des ailes d’anges. Au ciel les masses nuageuses gorgées de vie moutonnent dans le ciel bleu. Alexandra sort de sa contemplation, tourne la tête vers un cadre photo à l’intérieur duquel un couple heureux sourit à l’avenir. Elle se fige, sa poitrine s’affaisse un peu. Alexandra ferme la fenêtre, s’approche de la plante et souffle doucement sur la goutte qui remonte lentement le long de la nervure. Quand elle relève la tête, la goutte reste en suspens un instant puis glisse vers la pointe feuillue pour tomber dans la terre du pot.

*

Dans la chambre minuscule dont le grand lit prend toute la place, un énorme édredon rouge tire la langue. La plainte du vent s’engouffre sous la vieille fenêtre. Les radiateurs en fonte chantent, musique nocturne qui enveloppe le corps d’une jeune femme endormie dont un bras nu et son sein se sont échappés du drap. Alexandra se réveille en sursaut. Elle n’entend que le vent comme d’habitude. Elle ouvre grands les yeux dans la nuit, elle jurerait pourtant avoir entendu cet air si tendre qui s’échappait si souvent des lèvres aimées, les lèvres de Tom. Elle se concentre sur l’écoulement sournois qui joue les barytons dans les tuyaux de cuivre. Des clapotis jouent de leurs doigts fins sur la fenêtre sans paupières. La pluie cesse sans prévenir. Finalement le sommeil reprend ses droits.

Le lendemain matin, un rayon de soleil éclaire les longs cheveux bouclés d’or d’Alexandra et son large dos en triangle de nageuse de compétition. Elle se retourne, s’étire, découvrant son buste de femme, ferme. Une goutte tombe du plafond sur ses lèvres sèches, glisse sur ses muqueuses comme un baiser. La tache d’humidité là-haut dessine une forme abstraite.